7h25. Décidément, je n’arrive pas à pisser dans un pot. J’ai envie, mais je suis complètement bloquée par le fait de devoir appeler, de devoir être surveillée de loin, de viser le pot. Je vais me faire engueuler. Chez moi, je n’ai aucun problème, surtout avec tout ce que je bois. Mais j’ai passé une bonne nuit. Encore fatiguée, ce doit être l’effet du Xanax. Je crois que je commence à m’habituer.
10h30. La séance de relaxation s’est transformée en séance de sieste. Envie de pisser, mais je crains d’appeler pour rien. Je vais finir par me pisser dessus. J’espère voir la diet ce matin.
Lettre à Marion, extrait Je regrette fortement ma décision. Rien ne va. Je ne cesse d’enchaîner les crises de larmes auxquelles succèdent des envies d’en finir. Je me dis que je vais partir, rentrer et crever dans mon coin. Parce que je suis incapable de m’en sortir. J’ai l’impression d’être une prisonnière, une criminelle. Pire, d’avoir été flouée par ma psy. En plus, une fille m’a dit que ce n’était pas vrai quand elle t’affirme que tu peux demander à partir à tout moment si ça se passe mal. Ils te retiennent, te font de la pression psychologique.
J’ai le droit d’écrire et de recevoir du courrier, mais je ne sais pas quelle adresse je peux te donner. Encore, ils ont failli me confisquer mes timbres, sous prétexte que c’était des objets de valeur. Donc, je ne pourrai pas te donner d’adresse pour m’écrire. J’essaierai tout de même de m’éclipser pour poster cette missive, te tenir au courant. Je ne peux pas non plus appeler mon père, qui va donc s’inquiéter. L’externe n’est pas encore venue. La psychomotricienne est passée pour me proposer de venir à l’atelier. « Vous avez fait beaucoup de progrès à l’HDJ, ce n’est pas le moment de lâcher ». Sauf que je ne peux y aller. Je suis déçue, je l’attendais avec impatience, cet atelier.
J’ai demandé qu’on vienne m’ouvrir les toilettes, mais personne ne vient. Des coups à attraper une infection urinaire. Et eux qui veulent voir si l’état de mes reins fonctionne bien. Ils vont me dire que j’ai un problème alors que c’est à cause de leurs restrictions à la con. « Vous pouvez à tout moment demander à revoir certains points du contrat » m’a dit ma psy hier. Encore faut-il que je puisse la voir, puis que les transmissions se fassent. Ils ferment déjà les chambres après les repas, cela devrait suffire. Je ne vois pas comment je pourrais me faire vomir ensuite.
14h. Je m’ennuie. Je n’arrive pas à me concentrer sur quelque chose. Je suis fatiguée. Ma psy me dégoûte, c’est une menteuse. Elle m’avait dit que le Xanax était en si besoin, je l’ai matin, midi et soir en obligatoire. Elle veut m’assommer ou quoi ? C’est sûr que si je dors, je ne suis pas angoissée. Mais ce n’est pas la solution. Je m’agite aussi. Il faut que je marche, et je ne peux pas. « Venez parler ». Mais à quoi, comment ? L’entretien avec l’externe était déjà assez pénible, surtout que cela m’a fait manquer la psychomotricité. Je sais que la psychomot’ voit certaines patientes en individuel, j’aimerais bien qu’on me le propose. Mais surtout voir la diet, et qu’on m’ouvre enfin les toilettes. Je n’ai aucune envie d’aller en ergothérapie tout à l’heure, mais j’irai juste pour profiter des toilettes en bas (c’est d’ailleurs un argument qui fait fureur ici, en plus d’occuper les longues après-midi et d’écourter d’une demi-heure le temps calme). Bon, c’est trivial tout cela, mais c’est aussi ce qui contribue à rendre très pénible l’hospitalisation. J’ai été un peu rassurée par mon poids de ce matin, surtout que je n’ai pas été aux toilettes auparavant, donc le poids réel est inférieur. Sans doute vers 51 kilos. Cela me va.
Lettre à Marion, extrait. Le temps calme après le repas est le pire moment de la journée. Obligées de rester dans la salle commune, à « digérer ». Je m’ennuie. Je n’arrive pas à me remettre à écrire. Et j’ai vraiment hâte de voir la diet, mes plateaux ne vont absolument pas, trop copieux, des choses que je suis incapable de manger. Ah ! Je crois que c’est elle que j’ai vue passer. Mais elle est très demandée, je ne sais as. Surtout que les autres osent demander. Moi pas. Je n’en peux plus. J’avais écrit sur mon journal de bord hier, après le passage de ma psy et de mon interne, un truc comme quoi il fallait que j’accepte les désagréments, que j’étais là pour aller mieux. Mais cela me semble désormais illusoire.
18h15. Pour ma psy, dormir en relaxation est le signe que justement, j’ai très bien réussi à me relaxer. On est bien loin de l’opinion de Michel qui déteste qu’on dorme pendant la séance. On a pu parler, elle m’a rassurée, s’est dit inquiète de passer mon traitement en si besoin car si je n’osais pas demander… J’ai pu aussi, lui ai-je dit, discuter avec d’autres patientes, ce qui m’a fait du bien. Et surtout voir la diet. Elle est adorable. « Elle est redoutable » m’a dit ma psy. Je n’en doute pas. On va y aller doucement, au début pour les plateaux, même si cela me semble encore trop, notamment les féculents. Même si j’aurais aménagé mes repas autrement, mais l faut bien que je réapprenne à manger. Peur des protéines, en fait, mais encore plus des féculents. Le repas de midi sera angoissant. Heureusement, je n’ai pas de pain, c’est la contrepartie qu’elle m’a accordée pour compenser la mise en place des féculents. Mais ça m’a fait du bien de lui parler.
« Vous êtes ici pour dépasser vos peurs » m’a dit Dr G.. Et toujours sa belle voix douce et lénifiante, ses belles paroles, qui donnent cependant envie de lui rétorquer « oui, mais concrètement, je fais quoi ? », parce que ses grandes théories n’apportent finalement pas grand-chose. Mais elle est toujours aussi charmante, même si reste l’impression d’avoir été flouée sur l’hospitalisation. « On s’est toutes faites piéger » m’a dit l’une des filles, ajoutant que si elle l’avait su, elle aurait posé plus de questions aux anciennes hospitalisées, quand elle était à l’HDJ. Et moi donc ! D’ailleurs, je repasse avec nostalgie devant la porte de l’HDJ. C’était le bon temps, ça…
« Vous semblez plus détendue qu’hier ». « C’est bon signe tout ça ». « Le but est que vous soyez mieux chez vous ». Mais à l’inverse, elle ne me passe pas le Xanax du soir en si besoin, et dix jours ne lui paraissent pas une durée longue pour un traitement aux anxio. « Allez à votre rythme, prenez votre temps. » J’ai aussi pu négocier une ouverture des portes pour demain matin, alors que la durée d’observation est de 72 heures.
Je me sens mieux ce soir. Et puis, j’ai pu appeler mon père (« Vous ne l’avez toujours pas appelé ?! ») et Marion, même si je suis tombée sur leurs répondeurs.
« Je préfère vous voir détendue ». « Oui, mais pas à cause des médicaments ». Elle m’a aussi demandé si j’arrivais à écrire. « J’ai vu que vous aviez emporté plein de cahiers. Vous êtes venue armée ».
« L’enfermement est assez difficile. Mais vous le saviez ? » « Oui, mais le fait d’être prévenue ne rend pas la chose plus facile. »
Il faut que je mette à profit ce temps pour écrire. Et pas seulement recopier mes notes.