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Trois mois d'hospitalisation contre les TCA

17 juillet 2015

Vendredi 3 avril 2015

Lettre à Marion, extrait. Devine quoi ? Je m’ennuie, je tourne en rond. Comme chez moi, en gros. Je me suis fait un planning, comme toujours, de ce que je devrais faire. Et puis, je ne ais même plus pouvoir m’adonner aux coloriages : ils m’ont confisqué mon taille-crayon, acheté exprès pour cette hospitalisation qui plus est, donc une fois mes crayons usés, ce sera fini. *larmes*. Et s’annonce un long week-end de trois jours…

 

10h55. Cela se passe de mieux en mieux. Je prends mes marques, je me détends. J’ai réussi à travailler sur un texte déjà écrit, pour essayer de l’améliorer, ce que j’espère la première étape de l’écriture elle-même. J’ai dû encore m’endormir en relaxation, zappant la moitié de la séance, mais je n’ai pas osé le dire « Bonne séance ». Mon père m’a appelée, ce qui m’a fait énormément plaisir. Et puis, j’ai pu aller tranquillement dans les toilettes du bas. Ici, savoir que quelqu'un est dans le couloir à attendre me bloque trop.

Je doute simplement, si je puis dire, de mes choix de repas. Je ne crois pas avoir choisi les meilleurs trucs. Prendre les pommes de terre dans les féculents, m’a conseillé une patiente. De même, je crois qu’il vaut mieux que je choisisse le yaourt plutôt que le fromage blanc à 20%.

13h25. Trop mangé. Je me sens mal. Et comment vais-je faire pour tout manger plus tard ? Je n’ai pris que la moitié des féculents, et c’est déjà trop. Envie de vomir. En dehors des repas, je m’en sens capable, je me dis que ce sera possible. Mais quand j’y suis, c’est impossible. Je me rends compte que j’ai aussi un problème avec les laitages.

 

Aïe… le choix des menus à faire. Je bloque sur les féculents et les laitages. Grosse angoisse de cocher tout ça.

 

18h. Ennui, frustration et appréhension sont les trois mots qui résument mon état actuellement. J’aurais aimé voir la psy pour lui en parler, qu’elle me rassure à nouveau de paroles lénifiantes, mais j’ai l’impression que ce n’est pas à l’ordre du jour. Je l’ai croisée dans le couloir, elle m’a simplement souri. D’ailleurs, j’ai appris quelque chose sur elle qui m’a surprise, presque choquée : elle fume. Moi qui pensais ma bien-aimée sans vice caché !

Même ici, j’ai beaucoup de mal à me concentrer pou lire, pour travailler. Je n’arrive à rien, et je n’ai plus même la possibilité de sortir marcher pour passer le temps et essayer de me calmer. Et puis non, aucune des infirmières présentes ne m’inspire suffisamment confiance pour que j’aille parler, comme ma psy me recommanderait de faire dans ces moments-là.

 

21h. Le temps calme après le repas est hyper long. Les filles passent un film que j’ai déjà vu, et puis je n’arrive pas à me concentrer. Le week-end va être long, d’autant qu’il dure trois jours. Trois jours à attendre avant d’espérer voir ma psy autrement qu’en la croisant dans le couloir. Je passe mon temps à dormir. Une infirmière m’a dit qu’elle était venue me voir pour voir comment j’allais, mais que je dormais tellement bien qu’elle n’a pas osé me réveiller. Je lui ai dit de ne pas hésiter la prochaine fois.

Une patiente a essayé de me rassurer en me disant qu’après les premiers jours, on prenait ses marques, ses repères, on s’ennuyait moins. J’espère qu’elle a raison.

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17 juillet 2015

02/04/15

7h25. Décidément, je n’arrive pas à pisser dans un pot. J’ai envie, mais je suis complètement bloquée par le fait de devoir appeler, de devoir être surveillée de loin, de viser le pot. Je vais me faire engueuler. Chez moi, je n’ai aucun problème, surtout avec tout ce que je bois. Mais j’ai passé une bonne nuit. Encore fatiguée, ce doit être l’effet du Xanax. Je crois que je commence à m’habituer.

10h30. La séance de relaxation s’est transformée en séance de sieste. Envie de pisser, mais je crains d’appeler pour rien. Je vais finir par me pisser dessus. J’espère voir la diet ce matin.

 

Lettre à Marion, extrait Je regrette fortement ma décision. Rien ne va. Je ne cesse d’enchaîner les crises de larmes auxquelles succèdent des envies d’en finir. Je me dis que je vais partir, rentrer et crever dans mon coin. Parce que je suis incapable de m’en sortir. J’ai l’impression d’être une prisonnière, une criminelle. Pire, d’avoir été flouée par ma psy. En plus, une fille m’a dit que ce n’était pas vrai quand elle t’affirme que tu peux demander à partir à tout moment si ça se passe mal. Ils te retiennent, te font de la pression psychologique.

J’ai le droit d’écrire et de recevoir du courrier, mais je ne sais pas quelle adresse je peux te donner. Encore, ils ont failli me confisquer mes timbres, sous prétexte que c’était des objets de valeur. Donc, je ne pourrai pas te donner d’adresse pour m’écrire. J’essaierai tout de même de m’éclipser pour poster cette missive, te tenir au courant. Je ne peux pas non plus appeler mon père, qui va donc s’inquiéter. L’externe n’est pas encore venue. La psychomotricienne est passée pour me proposer de venir à l’atelier. « Vous avez fait beaucoup de progrès à l’HDJ, ce n’est pas le moment de lâcher ». Sauf que je ne peux y aller. Je suis déçue, je l’attendais avec impatience, cet atelier.

J’ai demandé qu’on vienne m’ouvrir les toilettes, mais personne ne vient. Des coups à attraper une infection urinaire. Et eux qui veulent voir si l’état de mes reins fonctionne bien. Ils vont me dire que j’ai un problème alors que c’est à cause de leurs restrictions à la con. « Vous pouvez à tout moment demander à revoir certains points du contrat » m’a dit ma psy hier. Encore faut-il que je puisse la voir, puis que les transmissions se fassent. Ils ferment déjà les chambres après les repas, cela devrait suffire. Je ne vois pas comment je pourrais me faire vomir ensuite.

  

14h. Je m’ennuie. Je n’arrive pas à me concentrer sur quelque chose. Je suis fatiguée. Ma psy me dégoûte, c’est une menteuse. Elle m’avait dit que le Xanax était en si besoin, je l’ai matin, midi et soir en obligatoire. Elle veut m’assommer ou quoi ? C’est sûr que si je dors, je ne suis pas angoissée. Mais ce n’est pas la solution. Je m’agite aussi. Il faut que je marche, et je ne peux pas. « Venez parler ». Mais à quoi, comment ? L’entretien avec l’externe était déjà assez pénible, surtout que cela m’a fait manquer la psychomotricité. Je sais que la psychomot’ voit certaines patientes en individuel, j’aimerais bien qu’on me le propose. Mais surtout voir la diet, et qu’on m’ouvre enfin les toilettes. Je n’ai aucune envie d’aller en ergothérapie tout à l’heure, mais j’irai juste pour profiter des toilettes en bas (c’est d’ailleurs un argument qui fait fureur ici, en plus d’occuper les longues après-midi et d’écourter d’une demi-heure le temps calme). Bon, c’est trivial tout cela, mais c’est aussi ce qui contribue à rendre très pénible l’hospitalisation. J’ai été un peu rassurée par mon poids de ce matin, surtout que je n’ai pas été aux toilettes auparavant, donc le poids réel est inférieur. Sans doute vers 51 kilos. Cela me va.

 

Lettre à Marion, extrait. Le temps calme après le repas est le pire moment de la journée. Obligées de rester dans la salle commune, à « digérer ». Je m’ennuie. Je n’arrive pas à me remettre à écrire. Et j’ai vraiment hâte de voir la diet, mes plateaux ne vont absolument pas, trop copieux, des choses que je suis incapable de manger. Ah ! Je crois que c’est elle que j’ai vue passer. Mais elle est très demandée, je ne sais as. Surtout que les autres osent demander. Moi pas. Je n’en peux plus. J’avais écrit sur mon journal de bord hier, après le passage de ma psy et de mon interne, un truc comme quoi il fallait que j’accepte les désagréments, que j’étais là pour aller mieux. Mais cela me semble désormais illusoire.

 

18h15. Pour ma psy, dormir en relaxation est le signe que justement, j’ai très bien réussi à me relaxer. On est bien loin de l’opinion de Michel qui déteste qu’on dorme pendant la séance. On a pu parler, elle m’a rassurée, s’est dit inquiète de passer mon traitement en si besoin car si je n’osais pas demander… J’ai pu aussi, lui ai-je dit, discuter avec d’autres patientes, ce qui m’a fait du bien. Et surtout voir la diet. Elle est adorable. « Elle est redoutable » m’a dit ma psy. Je n’en doute pas. On va y aller doucement, au début pour les plateaux, même si cela me semble encore trop, notamment les féculents. Même si j’aurais aménagé mes repas autrement, mais l faut bien que je réapprenne à manger. Peur des protéines, en fait, mais encore plus des féculents. Le repas de midi sera angoissant. Heureusement, je n’ai pas de pain, c’est la contrepartie qu’elle m’a accordée pour compenser la mise en place des féculents. Mais ça m’a fait du bien de lui parler.  

« Vous êtes ici pour dépasser vos peurs » m’a dit Dr G.. Et toujours sa belle voix douce et lénifiante, ses belles paroles, qui donnent cependant envie de lui rétorquer « oui, mais concrètement, je fais quoi ? », parce que ses grandes théories n’apportent finalement pas grand-chose. Mais elle est toujours aussi charmante, même si reste l’impression d’avoir été flouée sur l’hospitalisation. « On s’est toutes faites piéger » m’a dit l’une des filles, ajoutant que si elle l’avait su, elle aurait posé plus de questions aux anciennes hospitalisées, quand elle était à l’HDJ. Et moi donc ! D’ailleurs, je repasse avec nostalgie devant la porte de l’HDJ. C’était le bon temps, ça…

 « Vous semblez plus détendue qu’hier ». « C’est bon signe tout ça ». « Le but est que vous soyez mieux chez vous ». Mais à l’inverse, elle ne me passe pas le Xanax du soir en si besoin, et dix jours ne lui paraissent pas une durée longue pour un traitement aux anxio. « Allez à votre rythme, prenez votre temps. » J’ai aussi pu négocier une ouverture des portes pour demain matin, alors que la durée d’observation est de 72 heures.

Je me sens mieux ce soir. Et puis, j’ai pu appeler mon père (« Vous ne l’avez toujours pas appelé ?! ») et Marion, même si je suis tombée sur leurs répondeurs.

« Je préfère vous voir détendue ». « Oui, mais pas à cause des médicaments ». Elle m’a aussi demandé si j’arrivais à écrire. « J’ai vu que vous aviez emporté plein de cahiers. Vous êtes venue armée ».

« L’enfermement est assez difficile. Mais vous le saviez ? » « Oui, mais le fait d’être prévenue ne rend pas la chose plus facile. »

 

Il faut que je mette à profit ce temps pour écrire. Et pas seulement recopier mes notes.

17 juillet 2015

01/04/2015 soir

20h00. 4,9 au dextro, la limite est à 3,9, il faut que je m’en souvienne. Selon Marie-Line, mon contrat semble assez libéral, puisque j’ai déjà le droit d’aller me promener ce week-end. Le repas a presque été : haricots beurre, salade verte, 2 biscotte, une pêche.

« Personne ne conteste mon autorité ». Mais elle est plutôt sympa, cette infirmière. Elle m’a demandé à voir mon bras, comprenant ma gêne. « Mais si vous avez envie de vous faire du mal, venez nous en parler ». Le fait qu’elle me confie ses clefs pour aller aux toilettes, aussi. Même ses reproches sont mesurés, quand elle vient m’expliquer qu’on ne doit pas quitter la salle commune tant que tout le monde n’a pas fini.

Il faut que je mette ce temps à profit pour écrire. Qu’il ressorte quelque chose de constructif de cette hospitalisation.

« Vous avez pu discuter un peu à table ? –Non –ça viendra. »

8 juillet 2015

01/04/2015

01/04/2015

16h50 Normalement, j’aurais dû rentrer de l’HDJ, si je n’étais pas aussi atteinte, au point d’avoir besoin de l’hospitalisation. Je n’ose rien faire, rien demander, l’infirmière l’a d’ailleurs remarqué, me répétant de ne pas hésiter à poser des questions ; « Je crois que c’est surtout nous qui allons vous solliciter ». Mais je commence à redouter ma psy, à cause de ce que Fanny m’a dit, le fait qu’elle rechigne à la laisser partir alors qu’elle lui avait, tout comme à moi, affirmé qu’elle n’était pas prisonnière, qu’elle était libre de repartir si elle le souhaitait. Aussi à cause du fait qu’elle a établi le contrat directement, sans m’en parler, me plaçant devant le fait accompli. Je pensais qu’on allait en discuter ensemble, mais non. Et mon placard est fermé, mes affaires inaccessibles, sauf les rares que j’ai laissées dehors. J’aurais dû mieux prévoir. Et comment vais-je oser demander qu’on m’ouvre la porte des toilettes quand j’aurai envie de pisser ? Que quelqu’un soit là à me surveiller ? Pour ne pas pisser ou chier, il faudrait que je ne mange ni ne boive. Voilà qui ne va guère m’inciter à des efforts. De même, la carte téléphonique confisquée, alors que j’ai prétendument le droit de téléphoner quand je le souhaite. Comment vais-je faire ?

Je me sens en prison. Une criminelle. Trompée qui plus est. Je savais que ça allait être dur, mais maintenant, je regrette. Je n’ai qu’une envie, fuir cet hôpital et aller crever dans mon coin. Je ne m’en sortirai jamais, c’est trop compliqué.

Et comment vais-je pouvoir colorier alors que je n’ai plus de taille-crayons ? Je me sens flouée. Je ne suis qu’une minable. Je n’ose même pas aller discuter avec les autres, alors que de leur côté, elles sont plutôt accueillantes. J’avais plus de liberté à Orsay.   

 

Entrevue avec ma psychiatre « C’est normal que ce soit difficile les premiers jours » ; « Vous semblez avoir beaucoup pleuré ? C’est rassurant, c’est signe de bonne santé d’être mal à l’aise à l’hôpital ». « Dans un premier temps, le contrat de poids n’est pas inclus dans le contrat, mais l’objectif est de ne pas en perdre ». La gym et le sport me sont interdits au début, mais la relaxation est obligatoire. « Cette chambre est votre espace privé, c’est la seule fois où nous nous y invitons. » « Si vous n’êtes pas prête, vous le dites, on reportera à plus tard ? Mais je crois que vous avez longuement réfléchi, et accepté cette hospitalisation. L’objectif est votre apaisement. Je crois que le pire qui pourrait vous arriver est d’être un peu soulagée. »

Et en plus, je vais devoir pisser dans un pot, pour voir si mes reins fonctionnent bien. « Vous êtes sortie un peu de votre chambre ? » Les visites sont déconseillées la première semaine, seul point qui ne me dérange pas. Elle m’a rappelé le droit de téléphoner, je n’ai pas osé demander quand, quels étaient les horaires d’appel. « Nous sommes encore là si vous avez des questions. »

 

Le pot à urine me nargue sur la table. A 18h, il faudra que j’appelle, que je demande qu’on m’ouvre la salle de bains. Je n’ose pas. « Encore une fois, s’il y a des points dont vous souhaitez reparler, c’est possible. On les évoque ensemble. » « Vous avez le droit d’écrire et de recevoir du courrier. » Mais quelle adresse puis-je donner ?

 

Un dextro trois fois par jours, pour contrôler ma glycémie. Dans un premier temps, les pesées sont aléatoires, surprises, entre deux à trois fois par semaine, ce sont les soignants qui les organisent. « L’équipe soignante, c’est comme les médecins, certains sont de vrais peaux de vache. »

« C’est normal que vous soyez bouleversée. Vous allez prendre le temps de prendre vos marques, de vous apaiser ».

 

Un beau discours lénifiant, qui m’a certes tari le flux lacrymal, mais qui ne change rien de concret. Quand elle m’a répété que le contrat n’était pas juridique, n’avait qu’une valeur morale, j’ai failli lui dire que les conséquences étaient, elles, des plus concrètes.

 

Je crois qu’il faut que j’accepte les contraintes, les inconvénients. Que je pense à ce que cela peut m’apporter de positif. Que je fasse confiance aux soignants. Que je prenne mes marques et que je me détende.

Non, en fait, je n’y arriverai pas. Je n’ose rien demander. Comment vais-je m’en sortir ? Je me vois déjà être obligée de me retenir de pisser, devoir dormir dans mes vêtements parce que je n’ai pas mon pyjama, être obligée de faire la relaxation en jupe longue, parce que je ne pourrai pas me changer. C’est horrible. Et c’est moi qui ai accepté cela ! Plus jamais. Autant crever, je m’en fous. Autant être bouffée par mes troubles, crever de dégoût de moi-même, mais seule.

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